vendredi 13 février 2009

Deepa Mehta zindabad ! Un autre Bollywood est possible

Puisque les récompenses pleuvent sur le vivifiant Slumdog Millionaire, causons un peu ciné. Depuis Salaâm Bombay de Mira Nair, les films les plus pertinents sur l'Inde nous viennent des auteurs NRI, qui présentent l'avantage, tout en étant des insiders éclairés, de pouvoir s'affranchir des codes bollywoodiens et d'espérer une exposition globale via les circuits des festivals internationaux. Deepa Mehta s'inscrit dans cette veine avec son triptyque Fire/Earth/Water. Cette trilogie des éléments est un voyage, puissant et poétique, dans la vie des femmes de l'Inde, et les tropismes antagonistes qui traversent leur culture.

Fire (1996)



Le premier film de la série, se déroule dans l'Inde contemporaine. Controversé dans certains pans conservateurs de l'Inde de par sa description des genres, du mariage, de la sexualité et plus particulièrement de par l'usage de noms de déesses hindoues (Sita/Nandita Das ; Radha/Shabana Azmi) dépeintes en lesbiennes.

Earth: 1947 (1998)



Earth est une chronique de la Partition, la plaie originelle de l'Indépendance (1 million de morts, 15 millions de déplacés, le plus grand exode du XX° siècle) qui continue à suppurer dans la géopolitique actuelle. Mais le biais choisi est l'histoire du petit peuple, que nous narre Lenny-baby, gamine parsi - minorité caméléon qui par nécessité
de survie, apprît au fil des siècles comment se diluer dans la masse ("like milk in sugar: sweet but invisible").

Water (2005)


Bouclant la trilogie, Water décrit les luttes quotidiennes d'un ashram de veuves a-socialisée dans le tissu social des années 30, en plein mouvement gandhien

Filmée sobrement, photographiée brillamment, un brin conventionnel dans le rythme, la trilogie vaut surtout par la charge émotionnelle et politique de ses sujets. Ils lient les films entre eux par leur universalisme. Ils réussissent à faire poser l'oeil occidental sur des problématique typiquement indiennes, que ce soit la sexualité (Fire), la guerre (Earth) ou la religion (Water). Il y aussi l'arc qui va de Earth à Water, un thème "mehtien" récurrent: la perte de l'innocence, aux doux visages des 2 narratrices enfantines. A chaque fois, prises dans des tournants dramatique de l'histoire ou l'Histoire: Lenny-baby démembrant sa poupée après avoir été témoin d'un écartèlement; Chuyia recroquevillée au fond de la barque après avoir été molestée.
Par ailleurs Deepa Mehta a le talent d'une conteuse, et sait faire exister sans manichéisme des personnages qui se construisent dans le conflit, tour à tour agents et victimes des glissement culturels. Parmi eux, j'ai aimé :
  • Aamir Khan, le ice candy wallah de Earth, une sorte de figaro qui vire au clown triste, voire même carrément Sweeney Todd.
  • Luminescente Nandita Das ! Elle aurait du être le fil rouge de la trilogie puisque le rôle de Kalyani lui eût été dévolu si l'agenda du tournage n'avait été bouleversé par des fâcheux, incarne la vibrante Sita & la pimpante aayah Shanta.
  • Chuyia/Sarala Kariyawasam, ébouriffante gamine & actrice amateure de huit ans.
  • John Abraham, habituellement le bourreau de ces dames, étonnamment sobre en disciple de Ghandi (crédibilité artistique, tout ça).
En conclusion, si je me risquais à une lecture riche de Fire, j'en garderais une allégorie de la société indienne - Biji comme l'influence affaiblie mais omniprésente de la tradition, Sita comme la force impulsive & agressive de la modernité, & Radha, bien sûr, comme l'Inde, tiraillée entre les deux.

PS: Pour les irréductibles fans de musique masala, il y a quelques clins d'oeils bollywood style &, last but not least, les BO composées par le légendaire - et golden globisé A.R. Rahman.

2 commentaires:

K. a dit…

En même temps, même avec les codes de bollywood, y'a des trucs intéressants qui sortent du lot. Non ?

zinhonline a dit…

Attention, hein, je ne disqualifie pas “Bollywood” dans son ensemble. Quiconque a déjà vu le fabuleux cinéma de Raj Kapoor, Balraj Sahni & Amitabh Bachchan sait que les histoires d'adversité & d'extrême pauvreté remportent des succès populaires depuis des décennies.

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